Pour remercier Raoul Warocqué de ses dons pour la création de l’Institut d’anatomie à l’Université libre de Bruxelles, Charles Buls commande en 1895 au sculpteur belge Charles Van der Stappen (1843-1910) la statue de saint Michel présentée ici. Elle fut offerte la même année à Raoul Warocqué par le bourgmestre et les échevins de Bruxelles venus pour l’occasion jusqu’à Mariemont.

Charles Buls (1837-1914), échevin, bourgmestre de la ville de Bruxelles et député à la Chambre des représentants, mène deux grands combats: d’une part, épris d’art, il défend le patrimoine architectural historique de Bruxelles. D’autre part, directeur d’école, il s’intéresse de près à l’éducation et à l’instruction publique et participe aux réformes de l’enseignement. Sur ce dernier point, il rejoint Raoul Warocqué qui, comme lui libéral et maçon, se fait le défenseur d’un enseignement laïque de qualité pour tous.

L’archange saint Michel, saint patron de la ville de Bruxelles, mais aussi de l’Université libre de Bruxelles, est le thème de trois statues conçues par Charles Van der Stappen, deux d’entre-elles destinées à l’Hôtel de ville de Bruxelles, et la troisième, la plus réussie, à Raoul Warocqué.

Le visage et les mains de saint Michel sont sculptés dans l’ivoire, symbole de pureté – et matériau prisé en Belgique à la fin du XIXe siècle, où l’approvisionnement est assuré par la colonie du Congo. L’armure de l’archange, son casque, sa lance ornée d’une oriflamme, brillent de l’éclat de l’or. En revanche, l’être abattu, d’un bronze sombre, tranche sur la luminosité de saint Michel. La position du personnage, ses traits graciles, androgynes, évoquent la Renaissance italienne. Le mélange des matériaux et l’esthétique générale de l’oeuvre participent, quant à elles, au style de leur temps: l’Art nouveau de cette fin de siècle.

Saint Michel, terrasseur du dragon, symbole de la victoire du Bien sur le Mal, prend ici une autre résonance. L’oriflamme porte, en lettres ajourées de style gothique, une devise en latin: Fugatis tenebris Victris scientia Lucit «Les ténèbres dispersés la victoire de la science resplendit». Cette formule rappelle la devise de l’ULB «Scientia vincere tenebras» et évoque directement le combat qui unit Charles Buls et Raoul Warocqué pour vaincre l’ignorance par le savoir. L’archange d’ailleurs, ne terrasse pas un dragon ou le diable, comme dans d’autres représentations, mais un homme. L’ignorant qui symbolise les Ténèbres ?