Formé à Bruxelles, Alfred Stevens (1823-1906), dont le père Léopold collectionnait et vendait des tableaux, après une formation initiale à Bruxelles, quitte bientôt la capitale belge pour Paris et se spécialise dans la «peinture de genre», en s’attaquant à des sujets «modernes»: il représente ses contemporains. Il se restreint même à un sujet: la femme. C’est, plus précisément encore, la femme de qualité dans la société du Second Empire qui l’intéresse. Il la dépeint en tenues somptueuses, dans des intérieurs raffinés. Il ne peint toutefois pas des portraits, mais des moments de vie – souvent explicités par le titre du tableau (Le Faire-part, La Lettre de rupture, etc.).

Proche de certains impressionnistes, en particulier Manet dont il est l’ami, il ne les suit pas dans leurs expérimentations. Pourtant, par son intérêt pour les estampes japonaises, source d’inspiration pour certains éléments de ses tableaux, il s’inscrit dans ce mouvement.

Dans cette oeuvre, nous est présentée une scène énigmatique: au centre de la toile, deux femmes debout échangent des confidences appuyées sur le dossier du fauteuil où une troisième, assise, absente, perdue dans ses pensées, tourne machinalement une cuillère dans sa tasse. Dans le fond, on aperçoit, dans l’ombre, une femme qui joue du piano, ouvrant le tableau sur un monde sonore. Le peintre a apporté un grand soin au rendu des étoffes, détaillant toutes les matières des robes, des rubans, des bijoux, des coiffures. Le cadre est évoqué avec autant d’attention: la tapisserie des fauteuils, le tissu couvrant la table, le service, les tableaux, les meubles... À noter, le découpage du tableau, à gauche, qui laisse seulement apparaître un pied de chaise et le rendu très japonisant du décor du mur de fond.

Ce tableau fut acheté par Arthur Warocqué (1835-1880), le père de Raoul, pour son hôtel particulier à Bruxelles. Il n’a sans doute été apporté à Mariemont qu’après le mort de sa veuve, Mary, en 1909, où il ornait l’une des pièces du château.