La «forge des coeurs», une pièce impressionnante par le détail et la finesse de son exécution, est constituée de deux scènes adossées organisées autour d’un arbre touffu et posées sur une base de rocaille. D’un côté, un jeune homme travaille à la forge: il tient un coeur dans une tenaille et le martèle pour lui donner forme. Devant lui, une jeune femme, au large décolleté, active un soufflet pour entretenir le feu qui brûle sous une haute cheminée. À leurs pieds est posé un panier contenant une tenaille, un marteau, des flèches et des coeurs. De l’autre côté, se déploie la scène «du cerf-volant»: un jeune homme assis, le bras droit appuyé sur une cage, tient à la main droite une bobine de ficelle. Un cerf-volant est posé près de lui de même qu’un cor de chasse sur lequel se tient un faucon encapuchonné. Sur la main gauche levée du jeune homme est perché un oiseau aux ailes déployées que tente d’apprivoiser la jeune femme agenouillée à ses côtés.

Cet objet remarquable, une allégorie galante du feu et de l’air, ornait une table élégante. Le «surtout» ou «milieu» de table apparaît au XVIIe siècle. À l’origine une pièce d’orfèvrerie, il sert de présentoir aux récipients à condiments (sel, poivre, huile, sucre, épices...) placés en permanence à la disposition des convives. Au XVIIIe siècle, le surtout devient purement décoratif. D’abord en usage dans les milieux aristocratiques, il est ensuite utilisé par la bourgeoisie. Les surtouts sont dès lors confectionnés dans des matériaux plus variés, souvent moins onéreux que le métal précieux.

La manufacture de Tournai en fabrique de nombreux en biscuit, c’est-à-dire en porcelaine non décorée et non émaillée, ce qui lui donne une apparence plus minérale – proche parfois du sucre, dont on faisait des décorations de table. La forge des coeurs, une composition particulièrement réussie, répond parfaitement au goût de l’époque pour les scènes galantes se déroulant souvent dans un décor champêtre de fantaisie.