Cette terrine et son présentoir, sortis tout droit de la manufacture de Tournai, présentent un décor particulier. De style rocaille, de forme oblongue, lobée, elle s’orne de motifs en relief. Le couvercle prend la forme d’une carapace de tortue: les extrémités étroites sont relevées, laissant passer non la tête et la queue de l’animal, mais deux anses; les bords latéraux présentent également une forme ondulée. Le couvercle porte en son sommet un fretel (c’est-à-dire une prise) en forme de queue de citrouille. La forme de cette terrine est directement empruntée
à la forme d’une soupière dite «en baroc» produite dans la manufacture de Paul Hannong à Strasbourg, vers 1745-1754.

Le décor principal, des motifs peints à l’aide d’un blanc laiteux sur l’émail blanc translucide de la paroi, correspond à une technique appelée «bianco sopra bianco». Outre ces motifs, la soupière présente également un décor polychrome très simple, réduit au vert et au manganèse, composé de petits motifs dispersés ça et là, de manière spontanée sur les boursouflures de cette forme rocaille. Les détails en sont étonnants: de petits insectes aux ailes vertes et aux trois antennes surmontées de points verts côtoient des fleurs et des branchettes feuillues. Des escargots se promènent le long de motifs abstraits; deux branches de saule pleureur peints au manganèse (proche d’un élément d’un décor oriental appelé «la pagode et le saule») et une coquille de moule verte complètent le décor.

La technique du «bianco sopra bianco» fut adoptée tant à Tournai que dans la manufacture toute proche de Saint-Amandles-Eaux. Jusqu’il y a peu, ces décors étaient attribués à la manufacture française. Des études récentes ont cependant montré que certains décors polychromes posés sur le décor blanc, comme celui qui est adopté ici – des entrelacs agrémentés de fleurs empattées et sans coeur – sont caractéristiques de la manufacture tournaisienne.

Si les faïences de Tournai et de l’une des manufactures de Saint-Amand-les-Eaux se ressemblent, ce n’est pas le fruit du hasard. La seconde fut en effet fondée par Pierre-Joseph Fauquez, faïencier à Tournai, qui quitta la cité aux cinq clochers pour s’établir non loin de Saint-Amand en 1718. Il amena avec lui des ouvriers tournaisiens. La manufacture prospéra sous ses fils et petit-fils, puis fut vendue en 1795 et ferma ses portes en 1810.