Gustave Groleau livre ses sentiments sur la Belgique, son roi et les Flamands
Ecoutez ce que nous raconte le soldat Groleau ...
LA BELGIQUE
Samedi, 1er janvier 1916
Nous nous vengerons dans ton sang, Allemagne maudite ! De notre pays embelli et agrandi, vous serez proscrite, Nation sauvage ! Un jour viendra, prochain peut-être, où la vengeance sonnera. Alors nous reverrons notre chère Belgique libre et honorée. Le sang de ses enfants l’aura fortifiée et retrempée pour un nouvel élan vers la gloire et le progrès. Mais que de chimères ! Que de rêves fous ! J’espère et je crois. Que de luttes atroces nous verrons encore ! Que de sang devra encore couler ! Que de fois encore notre sang rougira le sombre Yser, « petite rivière » ; l’Allemagne devant qui tu as résisté, tu l’as arrêtée dans une marche triomphante qui se change maintenant journellement en une pâle défaite. C’est pleins d’un nouveau courage, plus grands et plus forts, que nous retournerons à tes bords comme les petits à leurs mères. Jusqu’au bout nous ferons notre devoir et c’est avec un réel et un immense plaisir, avec une sublime abnégation que nous sacrifierons pour la liberté de nos pères et pour faire de la petite Belgique une nation toujours plus brillante et de tous aimée….
LE ROI
Jeudi 7 décembre 1916
… On m’appelle : « Sergent Groleau... Je viens vous dire que le roi va passer ! » J’ai compris. Je me mets en ceinturon et vais m’assurer que tout est propre. Ça marche, je m’installe alors dans un boyau et regarde passer notre glorieux roi, accompagné de son aide de camp et de l’état-major de régiment. Il est bien grenadier. Très grand, casqué et portant l’imperméable, on ne lui découvre aucun insigne. On le prendrait pour un simple soldat. Mais sa figure, tout le monde la connaît et l’aime... Il passe rapidement et cause de temps en temps à un homme. La visite est terminée. Tout a repris sa place.
Jeudi 21 mars 1918
… on nous annonçait la visite du roi... Comme homme, je l’aime ; comme soldat, il a fait son devoir ; mais comme roi, il représente un gouvernement désuet et démodé. Nous traversons une nouvelle vie, nos idées libertaires et idéalistes nous font partisans acharnés d’une nouvelle république ! Ça marquerait un progrès sérieux et désiré par bien des hommes. Pourquoi continuer à être gouverné par un homme appelé roi ? Pourquoi lui laisser un tel titre ? Je n’en vois pas la nécessité. Le roi entrait vers 15 h. Aussitôt je me sauvais. Je ne veux pas causer à un monarque. Chacun ses idées….
LES FLAMANDS
Mardi 17 juillet 1917
(A l’hôpital de Calais) … À 7 h, on venait m’éveiller, c’était pour déjeuner. On nettoyait alors la chambre. Je lisais. J’ai déjà beaucoup de camarades : Wallons et Flamands. Ici, c’est la grande fraternité …
Samedi 12 janvier 1918
… pendant la nuit, on est venu arrêter six hommes du 1er peloton pour propagande flamingante, insultes aux Wallons et à la patrie et incitation à la révolte. Parmi les personnes arrêtées se trouve un soldat, Leyssens, ex-sergent dégradé pour le même motif… Un prêtre brancardier de la 3e compagnie, Bonninck … est également mêlé notre fameux brancardier, le Père Ragoen, ainsi que l’aumônier Coen. Qu’on les fusille … Je leur enverrais une balle dans la peau de bon cœur.